Vous êtes ici : AccueilInterview avec Madame Rhama Bourquia, Présidente de l’Université Hassan II Mohammedia : « Le concept de transition nécessite davantage de réflexion et de problématisation »

Bulletin d'information

Actualités

28-03-2024

Résultat final: Avis de recrutement de deux cadres de gestion de d'encadrement (...)

Lire la suite

28-02-2024

Appel à candidature pour le poste de chargé principal de la promotion des droits (...)

Lire la suite

28-02-2024

Le programme prévisionnel des marchés que le CNDH envisage de lancer pour l (...)

Lire la suite
Lire toutes les actualités
  • Réduire
  • Agrandir

Interview avec Madame Rhama Bourquia, Présidente de l’Université Hassan II Mohammedia : « Le concept de transition nécessite davantage de réflexion et de problématisation »

En marge de la 9ème conférence biennale de John Jay Collège of Criminal Justice sur « les sociétés en transition: l’équilibre entre la sécurité, la justice sociale et la transition » organisée du 2 au 5 juin 2010 à Marrakech en partenariat avec le Conseil consultatif des droits de l’Homme, l’Université Cadi Ayad-Marrakech et l’Université Hassan II- Mohammedia, nous avons réalisé l’entretien suivant avec Mme. Rhama Bourquia, Présidente de l’Université Hassan II Mohammedia

Votre appréciation générale sur la conférence ?

On ne peut que se réjouir de l’importance de cette conférence pour plusieurs raisons : d’abord pour la forme, c’est une conférence initiée par l’Université de John Jay Collège, mais aussi en partenariat avec des Institutions marocaines, à savoir le Conseil consultatif des droits de l’Homme, les Universités de Casablanca, Mohammedia et Cadi Ayad. Ce type de partenariat autour d’une rencontre d’une telle ampleur ne pourrait qu’être intéressant.
Elle est importante aussi par le nombre de participants. Avec 52 sessions de travail, c’est une grande concentration de chercheurs autour d’un thème aussi important. C’est un cadre d’échange sur le plan international avec des participants de tous les pays et où la représentation marocaine est très importante : plus d’une cinquantaine de chercheurs sont présents.
Le troisième point est aussi d’une grande importance pour le Maroc. En cette étape de son évolution, le thème qui est discuté est « les sociétés en transition ». Toute la problématique de l’équilibre à trouver entre la justice sociale, les droits de l’Homme, mais aussi le poids de la tradition est au cœur de notre préoccupation, et qui certainement en croisant les expériences, les analyses, ça pourrait nous éclairer éventuellement pour voir de près l’évolution de la société marocaine. Mon appréciation est donc positive.

Qu’apporte l’université marocaine au débat et à la réflexion sur la transition marocaine ? Est-ce qu’il y a assez de production pour accompagner le débat national sur la transition ?

De prime abord, je considère que le concept même de transition est à problématiser. Qu’est ce que c’est la transition? Ne peut-on pas tout mettre derrière le concept de « transition » ? Lorsqu’on ne détermine pas toute la complexité qui se passe dans ce genre de transition, lorsqu’on ne détermine pas qu’elle est cette société normative vers laquelle on s’achemine, c'est-à-dire qui est en perspective dans cette transition, qu’est ce que cela signifie ?
Donc il y a quand même ce volet qui n’a pas été suffisamment soumis à la réflexion par les universitaires et par les intellectuels. Il faudrait dans ce cas abandonner ce concept de transition et parler de changement social.
Je sais que dans les sciences Po, il y a des écrits sur la transitologie etc, mais ça n’a pas été repris dans nos débats. Il y a donc à problématiser cette notion.

Vous voulez parler d’une approche marocaine de la transition en fonction du contexte politique.

C’est cela, je veux dire que les théories sont là pour accompagner la réflexion sur ce qui se passe au sein de la société marocaine. Ce débat théorique n’est pas toujours présent. De manière générale, nous constatons un déficit de débats. Même constat au niveau de l’Université où le débat fait défaut, bien que de temps en temps, des manifestations s’organisent sur des thèmes et des questions particulières qui constituent un enjeu pour un groupe donné. C’est le cas de la Moudawana par exemple. Le travail intellectuel a commencé au sein de l’université, en parallèle avec le travail mené par les associations : on peut affirmer, sans risque de se tromper, que l’université a été initiatrice de tout le travail qui a été sur cette question et par la suite, de ce qui a été écrit sur les femmes, par les sociologues et les juristes etc.

Est-ce qu’on peu comprendre que l’Université ne devance pas la réflexion théorique sur les besoins du pays en termes de débat, mais elle suit les besoins sociaux exprimés par la société civile ?

Oui, en quelques sortes, il ne faut pas oublier que notre université est en construction. La première université a été crée après l’indépendance, ça ne veut pas dire par ailleurs qu’il n’y a pas de travail qui se fait et qu’il n’y a pas d’autres disciplines. J’ai donné l’exemple de la Moudawana. Il y a l’exemple aussi de l’IER qui a été accompagnée par un certain nombre d’intellectuels. Les travaux présentés lors de cette conférence : sur l’histoire, la mémoire…est aussi une contribution intellectuelle qui accompagne ces questions enjeux.
L’Université ne fonctionne pas uniquement comme une institution, les acteurs de l’université, c’est à dire les chercheurs accompagnent ces changements, mais cela dépend aussi du degré d’implication de l’acteur universitaire dans les débats de la société. C’est ce qui fait la différence entre les chercheurs qui s’impliquent dans les problématiques dans le domaine des sciences sociales et sciences politiques et qui ont un rapport avec le contexte dont nous débattons et la conférence : nous parlons de la transition.

Que pensez-vous de la relation dialectique – dans le contexte de transition- entre l’université et les politiques ? Est-ce qu’il y a assez d‘interactions ?

Je ne vois pas une grande interaction, pour plusieurs raisons, d’abord, le savoir et la connaissance ne sont pas toujours perçus comme étant une autorité. Des fois quand les intellectuels formulent une analyse sur le politique, le politique reste frileux. C’est peut être pour cette raison qu’on parle de silence des intellectuels.
On ne considère pas que, quelque part, il faut une médiation de la connaissance. Le champs politique a sa propre logique, a sa propre dynamique, a ses propres tensions, etc. Ce qui est normal dans une dynamique du champ politique. On a besoin d’un espace où il y a une analyse qui prend de la distance par rapport à tout cela, pour le refléter sur le champ politique afin qu’il se remette en question, et que les ajustements se forment …

Vous pensez à quelle forme?

Si on prend par exemple le cas français, chaque fois qu’il y a un débat, on fait appel à un philosophe, à un sociologue pour s’exprimer sur la question. Leurs analyses sont acceptées par les politiques.
C’est ce genre d’intervention qui est nécessaire, c'est-à-dire l’interaction, il ne s’agit pas d’être proche du politique. Chacun joue son rôle, le champ politique a sa propre logique tout autant que le champ de la connaissance, mais il faut que le rôle de ce dernier le place dans une position de distanciation et d’objectivation. C'est-à-dire ne pas tomber dans le jugement où en tant que donneur de leçons. C’est ce qui crée des frilosités dans le champ politique. On n’a pas de débat interne dans le champ politique, et pas de débat entre les intellectuels et le politiques non plus à quelques exceptions près.

Vous pensez à une forme de communication entre les intellectuels, les chercheurs, et la classe politiques ? Est-ce que les politiques ne sont pas au niveau des intellectuels ?

Ou bien les intellectuels ne sont pas au niveau de produire de vraies idées, lorsqu’on pose les bonnes idées, les idées s’imposent. La production intellectuelle n’est pas abondante.
Vous parler des problèmes d’appui à la recherche ?
Oui, entre autres. Il faudrait aussi que chaque universitaire trouve la motivation nécessaire en lui-même pour faire de la recherche. Ça se fait par certains, mais ce n’est pas suffisant. Les chercheurs qui sont capables de mener un bon débat se comptent sur le bout des doigts.

Haut de page